Une première depuis au moins vingt ans… Les trois groupes d’opposition à la majorité écologiste ont déserté ensemble le conseil municipal de Strasbourg. Résultat d’une situation tendue depuis des mois
POLITIQUE – Une première depuis au moins vingt ans… Les trois groupes d’opposition à la majorité écologiste ont déserté ensemble le conseil municipal de Strasbourg. Résultat d’une situation tendue depuis des mois
Nouvelle salle, sale ambiance. Le premier conseil municipal dans l’hémicycle rénové du centre administratif de Strasbourg restera dans les mémoires. Pas pour l’inauguration des lieux mais plutôt parce qu’il a été marqué, fait rarissime, par le départ en pleine séance de l’opposition. Les trois groupes, peu importe leur couleur politique, sont tous partis vers 20h45.
La raison ? Le premier adjoint à la maire Jeanne Barseghian (Europe Ecologie-Les Verts) venait d’annoncer que deux résolutions ne seraient pas soumises au vote. Dont celle portée par Pierre Jakubowicz (Horizons) sur la réouverture des musées six jours sur sept, heure du déjeuner comprise.
« Les deux textes avaient été déposés en temps et en heure, ils n’avaient fait l’objet d’aucune discussion pendant la réunion des présidents le matin et même énoncé pendant l’ordre du jour… Il n’y avait aucune raison que les règles changent soudainement », explique à 20 Minutes Pernelle Richardot (Parti Socialiste) en déplorant « une situation qui se dégrade pour l’opposition ».
« Je n’ai jamais vu ça »
Car ce n’est pas la première fois que les débats se tendent entre l’exécutif et son opposition. « Ils m’avaient déjà fait le coup pour une résolution en novembre, et à d’autres », poursuit l’élue de gauche. « Ce qu’il s’est passé n’est pas un événement isolé. La liberté de parole des conseillers municipaux hors majorité est sans cesse réduite depuis le début de ce mandat. Il fallait agir pour dire stop, ajoute, à l’opposé de l’échiquier politique, Jean-Philippe Vetter (Les Républicains). Je n’ai jamais vu ça. Pendant les douze ans de Roland Ries [l’ancien maire socialiste], on avait au moins la parole. Je ne dis pas qu’on le convainquait à chaque fois mais on pouvait s’exprimer. »
L’opposition serait-elle aujourd’hui sinon censurée au moins ignorée ? « Il y a une tension permanente que je n’ai jamais connue, estime l’ancien premier adjoint Alain Fontanel (Renaissance). Ça tient à une gestion erratique et autoritaire de la séance par la maire ou le premier adjoint. Ils décident de changer l’ordre du jour quand ça les gêne. »
« C’est un bricolage de démocratie locale », ajoute Pernelle Richardot en niant une mise en scène calculée de la sortie de lundi soir. « Franchement non car nous avons le souci du bien commun et on n’en a pas rajouté. N’oublions pas que nous représentons aussi une partie des Strasbourgeois et celle-ci est aujourd’hui méprisée. »
Pourtant, après son investiture, Jeanne Barseghian avait fait un pas vers l’opposition en lui ouvrant la possibilité d’être à l’initiative d’une résolution… « Et même si ça existe déjà dans d’autres villes, nous avions salué ce progrès. Mais maintenant, il faut aller au bout des choses », reprend Jean-Philippe Vetter. « Sauf qu’en parallèle, le nombre de conseils municipaux est passé de 10 à 8 par an, que le deuxième tour de parole a disparu et que maintenant, il est aussi interdit de réagir après une interpellation et la réponse d’un élu ! Bref, quand le sujet les dérange, ils font tout pour empêcher le débat. »
« Un départ théâtral », selon la majorité
Des accusations assez graves que réfute le groupe « Strasbourg écologiste et citoyenne » de Jeanne Barseghian. Dans un communiqué, il explique que la fameuse résolution à l’origine du chaos « s’écartait sensiblement de l’esprit du règlement intérieur en se substituant à l’exécutif municipal, raison pour laquelle nous avons décidé de ne pas la soumettre au vote et de la reporter à une commission plénière ». « Ce départ théâtral est l’aboutissement d’une stratégie permanente d’une partie de l’opposition de mise sous tension des débats que nous souhaitons, pour notre part, les plus apaisés et démocratiques possibles », écrit encore la majorité.
Lundi soir, la maire avait bouclé la séance en répétant son « attachement au débat contradictoire » et en appelant à un « travail approfondi sur le règlement intérieur ». Cela tombe bien, c’est ce que demande régulièrement l’opposition. « Mais ils jouent la montre depuis des mois. Il y a un pourrissement. C’est pour cela qu’on a voulu réagir avec un geste fort », réagit Alain Fontanel, qui envisage bel et bien de revenir siéger. Comme les autres contestataires. « On ne peut pas boycotter durablement une enceinte démocratique. »