Vietnam, 1972: Linebacker II, ou quand les États-Unis ont perdu quinze B-52 en quelques jours

Fin 2022, le Vietnam a commémoré le cinquantième anniversaire de l’une des attaques aériennes les plus imposantes de son histoire –et de l’histoire tout court. À partir du 17 décembre 1972 et pendant une durée de douze jours, l’armée américaine a déployé environ 200 bombardiers B-52, qui ont déversé plus de 20.000 tonnes de bombes au-dessus du nord du Vietnam.

Cette opération américaine, nommée «Linebacker II», a nécessité de réaliser 730 sorties aériennes, soit une toutes les vingt-quatre minutes en moyenne. L’objectif était simple, raconte CNN: «ébranler profondément» le camp vietnamien, selon les mots de Henry Kissinger, alors conseiller national à la sécurité des États-Unis.

En réalité, ces frappes ne se sont déroulées que sur onze jours et pas douze, l’armée ayant fait une pause le jour de Noël. Au Vietnam, l’opération est connue sous le nom des «onze jours et nuits». Du côté américain, on parle plus volontiers des «bombardements de Noël», bien que rien ne se soit produit le 25.

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Impact relatif

Au total, on estime que 1.600 Vietnamiens ont trouvé la mort dans ces opérations. Les États-Unis, quant à eux, ont perdu 33 pilotes et connu des pertes matérielles non négligeables. Une quinzaine de B-52 ont en effet été détruits par la riposte vietnamienne, dont six en un seul jour.

Et tout ça pour un résultat… très relatif. Car selon certains spécialistes de la guerre du Vietnam, ce déferlement de moyens n’eut qu’assez peu d’impact sur l’ensemble du conflit.

Cela explique d’ailleurs pourquoi, dès la fin de ces opérations, les deux camps se sont targués d’être en position de force: d’une part, Washington a clamé haut et fort que ses attaques avaient permis de ramener le Vietnam à la table des négociations; de l’autre, Hanoï s’est saisi de l’événement pour se gargariser de sa résistance héroïque face aux assauts ennemis.

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Le Vietnam ne manque d’ailleurs pas une occasion de célébrer la fois où les États-Unis ont tout donné pour l’anéantir: ce fut notamment le cas en 2012, à l’occasion du quarantième anniversaire de ces frappes décembrales.

Interrogés par CNN, les pilotes américains de l’époque se souviennent: «On avait l’impression de slalomer entre les missiles, tellement il y en avait de tirés», raconte par exemple l’un d’entre eux.

Plier mais ne pas rompre

Un autre confie que dans le camp américain, l’atmosphère était tout sauf festive. Pour des raisons stratégiques, les opérations étaient menées la nuit, et il fallait souvent attendre le petit déjeuner du lendemain pour savoir qui était encore en vie et qui y avait laissé sa peau. «Quand, au lever, vous voyiez des pilotes charger les effets personnels d’un congénère dans un coffre, vous saviez ce que ça voulait dire.»

Bien qu’il soit parvenu à s’en relever, le Vietnam a été considérablement amoindri par l’opération Linebacker II, puisque comme l’écrit l’historien spécialisé Pierre Asselin dans son livre Vietnam’s American War: A History, il a perdu «1.600 installations militaires, des kilomètres de chemin de fer, des centaines de camions et de wagons, 80% de ses centrales électriques, ainsi qu’un nombre incalculable d’usines et d’autres structures». Les pertes civiles, absolument terribles, ont elles aussi mis le pays à genoux.

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À quel point cette opération a-t-elle pesé dans la balance et contribué à mener les deux pays vers les accords de paix qui furent finalement signés à Paris le 27 janvier 1973, dix-neuf jours après le début des négociations menées dans la capitale française?

Les experts continuent aujourd’hui encore à s’écharper sur le sujet; visiblement, il sera toujours impossible d’aboutir à un consensus entre ceux qui estiment que Linebacker II a plutôt poussé les États-Unis à abandonner et ceux qui pensent que l’opération a surtout contraint le Vietnam à faire des concessions.

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